Happy birthday!

Elle avait toujours aimé la nature, les animaux étaient sa passion. Ses parents l’emmenaient régulièrement dans des bars à chats, endroits moelleux et ambiance cotonneuse ou les jeunes filles pouvaient se prélasser en caressant de magnifiques spécimens. Cela avait l’avantage de ne pas laisser de poils dans toute la maison et remplissait parfaitement sa fonction. On l’avait évidemment aussi transformé en cavalière émérite, comme toute jeune fille de bonne famille, chevauchant des étalons de luxe spécialement dressés pour être dociles avec cette clientèle précieuse. Elle pouvait les brosser, les étrier et leur parler avec amour, pour rentrer ensuite se laver méticuleusement et se débarrasser des odeurs persistantes.

Elle avait dévoré des tonnes de magazines dédiés à ses amis les bêtes et regardés des heures d’émissions culturelles nature, elle connaissait tout, de l’Afrique sauvage aux steppes arides de Mongolie, même si elles avaient disparu depuis longtemps. Ses discours sur la nature étaient vindicatifs, enflammés, elle se revendiquait même écolo sans vraiment en comprendre le sens. Le monde artificiel dans lequel elle vivait coûtait bien trop énergivore pour être qualifié ainsi, bulle purifiée permettant à l’espèce humaine de survivre. Autour des villes surpeuplées les déserts et des kilomètres de panneaux solaires s’étendaient, permettant de produire les milliards de kilowattheures nécessaires à l’assainissement de l’air, de l’eau et la production de nourriture.

Ce matin-là le chant des oiseaux la réveilla avant même que son téléphone ne s’enflamme, crépitant de message. Cela la mit de bonne humeur. Etonnant qu’elle ait pu entendre un volatile et surtout se faire tirer de son sommeil par ce dernier dans cette matinée bruyante de ville animée. Les quelques parcs alentours rassemblaient la faune typique des grandes villes polluées. Pigeons, moineaux et cygnes décoratifs quand une gouille le permettait. Les derniers rescapés de l’aire industrielle. Le reste du monde animalier n’était plus visible que dans des zoos ou empaillé.

La cité vibrait, le bruit des moteurs électriques résonnant autour des bâtiments vieux et modernes qui se côtoyaient. Elle vivait dans les beaux quartiers, chez les privilégiées, dans un immeuble d’époque rénové. Des plafonds hauts, des baies vitrées magnifiques, des moulures et de escaliers en colimaçons. Une merveille.

Elle remarqua qu’elle avait oublié d’enclencher le commutateur sonore et laissé la fenêtre ouverte. Son père l’aurait certainement grondé, être au contact ainsi avec l’air extérieur alors que leur appartement était climatisé avec celui des sommets, inacceptable. Lui, le roi du nouveau pétrole, l’or bleu, connaissait bien les conséquences d’une exposition trop fréquente à l’air produit dans les villes et était très strict sur la climatisation de l’espace familial. Elle ferma rapidement la fenêtre et le silence s’imposa. L’air fut renouvelé en quelques secondes dans sa chambre, pur, cristallin. Elle prit une grande bouffée de cet oxygène curateur et se leva pour se diriger vers sa salle de bains, une pièce magnifique dont les parois en verre permettaient d’admirer la ville en se douchant, protégée des regards de l’extérieur par les miroirs réfléchissant. L’architecte avait même eu la brillante idée de construire la cabine de douche au-dessus du vide. Blasée elle ne remarquait plus le caractère exceptionnel de cet endroit, prendre une douche au sommet de Paris en admirant la ville lumière.

Une fois habillée, maquillée elle descendit rapidement les escaliers en colimaçon qui menaient à sa chambre de princesse et rejoignit la salle à manger où ses parents l’attendaient patiemment. Ils étaient assis devant une table en verre design, immense, qui remplissait la pièce pourtant très grande. Au-dessus de celle-ci se trouvait un imposant lustre en cristal. Les grandes baies vitrées offraient une vue de carte postale sur la ville lumière. Le soleil magnifique éclairait le petit déjeuner qui trônait sur un buffet d’époque grandiloquent. Fruits, pain frais, croissant, café. Des produits qui auraient pu paraître banals quelques dizaines d’années auparavant mais qui maintenant étaient un vrai luxe. La plupart de l’alimentation était consommée en tube. Il ne restait que les nantis capables de manger naturellement et d’avoir encore accès au plaisir du goût.

Ses parents l’embrassèrent avec affection et lui souhaitèrent une bonne fête, un sourire en coin, se réjouissant de la surprise qui l’attendait. Ils entamèrent un petit déjeuner joyeux, parlant de tout et de rien, attendant que ses signes d’impatience soient flagrants. Finalement, ils lui tendirent fièrement l’enveloppe cachetée. Ses yeux brillaient, enfin, le voilà, ce cadeau des 18 ans.

Elle ouvrit l’enveloppe la déchirant nerveusement et un large sourire se dessina sur son visage alors qu’elle lisait le message et découvrait les billets qu’elle contenait. 2 semaines de safari grand luxe en Afrique dans un parc national réputé avec ses meilleures amies. Elle était ravie et elle glapît encore de plaisir en découvrant la clé de la Mercedes glissée négligemment au fond de l’enveloppe pour compléter le présent.

Ils avaient fait les choses en grand. Le départ était immédiat, ses bagages déjà faites, ses meilleures l’attendaient dans le petit salon prêtes pour un départ en jet privé. D’un trait elle termina son jus d’orange et couru changer de tenue pour ce long voyage. Elle retrouva ses amies, excitées, et elles partirent en direction de l’aéroport, papotant joyeusement dans la limousine qui était venu les chercher.

Départ pour l’aventure

Le jet les attendait sur la Tarmac. Pas de contrôle, pas d’attente, l’hôtesse les accueillit avec un large sourire et les installa confortablement. Mais pour elle tout ceci était plus une habitude qu’un moment exceptionnel. Elle n’avait jamais pris d’avion autre que privé.

Le vol se passa sans problème. Le ciel était clair, la vue magnifique, les paysages désertiques et les panneaux solaires installés sur ces grandes plaines mortes dessinaient des tableaux hypnotisant vus du ciel. Mais elles n’y prêtèrent guère attention, occupée à discuter bruyamment de leur future aventure. Ces parcs « naturels » étaient créés de toute pièce, reproduisant la faune et la flore de l’époque. On avait rassemblé la majorité des espèces dont le patrimoine génétique avait pu être conservé, et qu’on avait réussi à se faire reproduire en captivité. Une barrière entourait cet écosystème artificiel, immense, le préservant des chaleurs invivables de l’extérieur. Cela permettait à quelques privilégiés d’avoir accès à l’ancien monde et à être confronté à ce que l’homme appelait nature avant.

A l’atterrissage un Hummer immense les attendait pour les transférer dans un merveilleux hôtel. La grande partie de l’établissement se trouvait en hauteur, sur des piloris, entouré de baies vitrées et offrait une vue imprenable sur les couchers de soleil flamboyant de l’Afrique. Des anti-moustiques électroniques pulvérisaient à distance tout insecte osant s’approcher des lieux « sacrés ». Les chambres étaient magnifiques et les visiteurs pouvaient s’ils le souhaitaient profiter du brouhaha de la savane en ouvrant leurs fenêtres triple vitrage et pourquoi pas avoir trop chaud en éteignant la climatisation. Les 3 jeunes filles elle se couchèrent enchantées après un cocktail de bienvenue et un repas copieux, attendant avec impatience le lendemain matin.

Le séjour était fait pour ce type de clientèle. La jet set richissime et sophistiquées, en quête de sensations fortes. Chaque élément était calibré sur leurs goûts, du buffet de petit déjeuner aux odeurs diffusées discrètement dans tout l’établissement, permettant de cacher toute effluve sauvage qui aurait pu y entrer. Le clou du séjour arriva au petit déjeuner. Il s’appelait Jeff. Grand, bronzé, ténébreux, son seul regard les faisait frissonner. Un véritable afrikaners qui parlait couramment français avec un charmant accent. Il les accueillit à leur table, souriant. Ce serait leur guide dans cette jungle apprivoisée. Elles frétillaient en le regardant, leur cœur palpitant à chaque regard appuyé qui, professionnellement, était très méthodiquement lancé à chacune d’entre elles, sûr de l’effet qu’il produisait.

Le programme était palpitant, visite des éléphants, observations des lions, safari photo, et même chasse si elles le désiraient. Elles partirent se préparer pour cette première journée, déjà vibrantes.

La savane

Une jeep les attendait devant le palace et elles embarquèrent joyeusement et bruyamment. La savane qui les entourait était faite de hautes herbes sèches, et divers animaux paissaient paisiblement autour de l’hôtel. Gnous, zèbres, zébus s’approchaient sans méfiance, habitués à la compagnie des hommes depuis longtemps. Une barrière d’ultrasons les tenait à une distance raisonnable des piscines, jacuzzi et fontaines miraculeuses de l’hôtel afin de ne pas pouvoir déranger la vie oisive des visiteurs. Elles traversèrent la barrière invisible et entrèrent dans la brousse sur une route de brousse. Le balancement de la voiture les surprit. Elles n’en avaient jamais vu d’aussi mal entretenues avant.

La chaleur accablante fut rapidement atténuée par leur climatisation statique individuelle qui permettait de se rafraîchir sans même fermer les fenêtres. Les ondes anti nuisibles étaient également activées, empêchant tout insecte volant, rampant ou courant de s’approcher des demoiselles.

La visite des éléphants se baignant fut très divertissante, puis une observation des lions suivit. Ils étaient étendus nonchalamment dans les broussailles, attendant avec patience que le repas soit ramené par les lionnes. Ensuite le safari photo commença. On leur donna des appareils ultra sophistiqués qu’elles purent tester dans différents endroits magnifiques de la réserve. Cascade, gorges, crevasses, animaux magnifiques, le tour était complet.

Puis vint le moment de la chasse.

Instinct naturel

Comme toute jeune fille de bonnes familles elles avaient suivi un entrainement de pointe en maniement d’armes. Elles savaient les monter, les démonter et étaient toutes de fines gâchettes. Les armes étaient chargées en minutions endormante mais pour un supplément, si elles le souhaitaient, elles pouvaient avoir de vraies balles. Elles se réjouissaient de cette nouvelle expérience, excitées aussi par la démonstration qu’elles allaient pouvoir faire à leurs amies de leur talent dans ce domaine, chacune croyant être meilleure que l’autre. Elles n’avaient jusqu’à maintenant que tiré sur des faisans, des sangliers et des cerfs dans des forêts surpeuplées pour leurs seuls loisirs. Toutes ferventes défenseurs de la cause animale elles choisirent les fléchettes endormantes. Et le chasse démarra.

Jusque-là toujours en sécurité dans la jeep elles allaient pour la première fois devoir affronter la brousse à pied. Des chemins avaient été emménagés permettant d’accéder facilement au point d’eaux que les animaux fréquentaient plus assidument à cette heure de la journée. De plus les capteurs qui avaient été injectés à chaque animal facilitaient la traque et permettaient d’atteindre rapidement des points à forte concentration.

Elles s’enfoncèrent dans les hautes herbes, un anti nuisible portatif émettait les ondes destructrices depuis leur poignet et leur permettait de ne pas être importunées. Leurs tenues derniers cris d’exploratrice africaines se fondait dans le paysage. Elles étaient prêtes.

Rapidement elles atteignirent les premiers troupeaux de gnous ou elles purent à loisir tirer en toute sécurité de plateforme qui avaient été emménagées dans les arbres. Les animaux tombaient une fois touchés, somnolaient quelques minutes sous l’effet de la fléchette puis se relevaient, grogis mais en forme. C’est La plateforme de tir offrait tout le confort. Petit fauteuils pour se reposer, frigo et boissons fraiches. Pourtant, c’est dans cet endroit hyper sécurisé que le premier incident regrettable survint. L’émetteur anti moustique de Joana tomba en panne. Elle ne s’en aperçu pas tout de suite mais une première piqure fort désagréable lui indiqué rapidement la défaillance. Irritée elle manifesta bruyamment son irritation à Jeff qui confus lui tendit immédiatement un appareil de rechange. Mais c’était déjà trop tard. La piqure la démangeait et cela l’incommodait fortement surtout que bizarrement il faisait de plus en plus chaud.

Cette hausse de température l’inquiéta et elle contrôla son climatiseur individuelle qui a sa grande surprise ne marchait plus non plus, déchargé. Ses amies ne rencontraient pas le même problème, elles avaient le même appareil mais l’avait raisonnablement réglé sur 22 degrés, les batteries pouvant ainsi tenir sans problème toute la journée. Alors que Joanie, par pure coquetterie, s’était accoutrée d’un ensemble kaki fort seyant mais adapté à la forêt fraîche et avait donc depuis le début de l’aventure le sien sur 16 degrés. Les batteries avaient été déchargées. Malheureusement Jeff n’avait pas de climatiseur à lui donner. Elle se décida alors enlever le pull en cashemir de sa tenue ne voulant pas écourter la chasse. Son bouton la grattait sous l’effet de la chaleur. Elle manqua 2 fois l’animal qu’elle souhaitait atteindre. Cela commença à l’irriter. Ce bruit, ces animaux qui bougeaient, sa peau qui suait. L’énervement montait.

Ses amis riaient un peu de son désarrois sans méchanceté. Et puis c’était la fin de la journée, elle avait de la chance, la chaleur était moins oppressante que quelques heures auparavant. Pour la troisième fois elle tira sans succès. Par défi elle leur annonca que vu ses piètres résultats elle pourrait bien tirer à balles réelles. Elle regarda Jeff et lui demanda les cartouches. Il les lui donna sans mot dire. Etonné de sa requête après ses discours enflammés sur la cause animale. Ses amies pouffaient, un peu envieuses. Elles partageaient avec elle cette passion du monde animal mais l’attrait d’une chasse à balle réelle était malgré tout très fort.

Touché

Joana pris son arme, chargée cette fois de balles réelles. Elle visa un zèbre qui passait non loin de là, sans conviction car toujours incommodée par la chaleur et les démangeaisons de son avant bras. Puis elle tira. L’animal ne fut pas tué sur le coup. Il tomba à terre, blessé à la gorges. Il feulait, grognait, en tentant de se relever. Le sang s’échappait doucement de la plaie tachant de rouge son beau pelage zébré. Joanie regarda cette agonie avec surprise, se rendant compte alors de la toute puissance qu’elle avait sur le monde animal qui l’entourait. Et tout doucement cette stupeur fit place à de l’excitation. Son coeur battait plus fort quand elle visa le second animal, puis le troisième, tous tombant et agonisant lentement, la jeune fille n’ayant aucune notion lui permettant de faire une mise à mort décente pour l’animal.

Ses amies la regardaient apeurées mais envieuse. L’une après l’autre elles se tournèrent vers Jeff qui muet d’étonnement leur distribua les cartouches, à contrecoeur. Les animaux étaient attirés vers ce point d’eau vers des émetteurs et ils arrivaient les uns après les autres sans se méfier. Les fusils n’émettaient aucun son ce qui permettait de ne pas effrayer les bêtes. Doucement les alentours de la plateforme se transformèrent en charnier. Les jeunes filles de plus en plus excitées tiraient sur tout ce qui bougeait. Singe, léopard, lion, zèbres, gnous, éléphant. Les animaux étaient tirés de loins, sans grande précision et assurant une longues et douloureuse agonie à l’animal. Elles regardaient avec étonnement la mort arriver en observant les soubresauts et les tentatives maladroites de fuites. Une trentaine de cadavres gisaient au sol quand elles commencèrent à avoir faim.

A table!

C’était bientôt l’heure du repas et de l’apéro au bord de la piscine. La moitié des masses qui les entouraient étaient bientôt des cadavres et il semblait que l’autre partie mettrait beaucoup plus de temps à mourir. Quel ennui d’attendre. Une fois le souffle final observé quelques fois c’était définitivement lassant et répétitif. Et puis après toutes ces émotions elles avaient faim.

Elles indiquèrent à jeff leur désir de rentrer rapidement.

Celui-ci leur demanda quelques minutes pour achever les survivants mais cela les indisposait. Elles voulaient se rafraichir de cette terrible journée tout de suite. Il dut obtempérer et elles quittèrent les lieux pour la confortable Jeep qui les ramena rapidement à l’hôtel.

Un magnifique buffet européen les attendait, de la musique, des cocktails. Elles s’installèrent gaies et excitées au bord de la piscine. Quelle magnifique première journée. Vivement demain!

Tendances